Sanction du dirigeant : précisions sur la notion de « poursuite d’une activité déficitaire » Réf. : Cass. com., 11 décembre 2024, n° 23-19.807
[02/01/2025]
La poursuite d'une activité déficitaire, qui justifie la condamnation du dirigeant à combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif et à prononcer à son encontre une interdiction de gérer, ne peut résulter du seul constat d'une augmentation du montant des dettes ; et elle n'est sanctionnée que lorsqu'elle est effectuée dans un intérêt personnel et que l'exploitation déficitaire ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.Faits et procédure.
Le 22 janvier 2019, une société ayant pour président et actionnaire unique M. L. depuis le 10 janvier 2018, a été mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur a recherché la responsabilité de ce dernier pour insuffisance d'actif et demandé qu'une sanction personnelle soit prononcée contre lui.
Le dirigeant ayant été condamné au titre de l’insuffisance d’actif et une interdiction de gérer ayant été prononcée contre lui (CA Montpellier, 13 juin 2023, n° 21/05813 N° Lexbase : A264293A), il a formé un pourvoi en cassation.
Décision.
Rappelant les termes de l’article L. 651-2 du Code de commerce N° Lexbase : L3704MBS, la Cour de cassation relève que les juges du fond, pour condamner le dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et prononcer son interdiction de gérer, relèvent que des cotisations sociales sont impayées et le privilège général de la Sécurité sociale a été inscrit au profit de deux organismes (l'Arcco et l'URSSAF). En outre des impôts et des dettes fiscales ont été impayés et le bilan fait apparaître un accroissement à du montant des dettes de la société. Ils en déduisent que la faute de gestion tenant à la poursuite de l'activité déficitaire de la société a contribué à l'insuffisance d'actif.
La Cour de cassation censure sur ce point les juges du fond, retenant qu'en se déterminant par des tels motifs, impropres à caractériser la poursuite d'une activité déficitaire, qui ne peut résulter du seul constat d'une augmentation du montant des dettes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Ensuite, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L. 653-4 , L. 653-5 N°, L. 653-6 et L. 653-8 du Code de commerce que l'interdiction de gérer ne peut être prononcée contre le dirigeant d'une personne morale que pour sanctionner les fautes qu'ils prévoient.
Or, pour prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq, l'arrêt d’appel, après avoir relevé qu'il n'est pas établi que le dirigeant aurait poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, retient que, toutefois, le comportement du dirigeant fautif lié à la poursuite de l'activité déficitaire et l'absence de déclaration de cessation justifient de le sanctionner.
La Cour censure ici aussi l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, alors que la poursuite abusive d'une activité déficitaire n'est sanctionnée que lorsqu'elle est effectuée dans un intérêt personnel et que l'exploitation déficitaire ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale, la cour d'appel a violé les textes précités.