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Précisions sur la résolution du plan sans ouverture d’une seconde procédure collective

[25/11/2023]

Lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances.

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, il existe deux causes de résolution du plan : celle fondée sur l’inexécution et celle reposant sur l’apparition de l’état de cessation des paiements en cours d’exécution du plan.

S’il y a inexécution et cessation des paiements, la seconde cause absorbe la première.

Les effets de ces deux causes de résolution du plan ne sont pas les mêmes : alors que la résolution fondée sur l’état de cessation des paiements est obligatoire et entraîne obligatoirement l’ouverture d’une seconde procédure collective, celle fondée sur l’inexécution est facultative et n’entraîne pas l’ouverture d’une seconde procédure collective.

Cette différence de régiment porte évidemment des conséquences, et notamment pour les créanciers dont la créance déclarée au passif de la procédure collective, n’a pas encore été admise ou rejetée, lorsque survient la résolution du plan.

C’est une difficulté de cette nature qui constitue le cœur de l’arrêt ici commenté.

En l’espèce, la SCEA Nemrod a été mise en redressement judiciaire, la procédure étant étendue le 2 décembre suivant à M. et Mme G., les deux associés de la SCEA. Maître Raymond a été désignée mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été arrêté le 6 octobre 2009, Maître Raymond étant désignée commissaire à son exécution, puis résolu par un jugement du 20 mars 2014, la liquidation subséquente des débiteurs n'étant pas prononcée.

Un arrêt irrévocable du 1er juillet 2014 a confirmé ce jugement en ce qu'il prononçait la résolution du plan, mais l'a infirmé en ce qu'il ordonnait la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, a dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire.

Le 18 février 2008, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la banque) a déclaré des créances dont certaines avaient été contestées. Le 11 février 2019, les débiteurs ont demandé au juge-commissaire de constater la péremption de l'instance relative aux créances contestées.

Les débiteurs ont invoqué divers arguments tirés de l’absence de compte-rendu de fin de mission pour en déduire que le juge-commissaire pouvait toujours statuer en dépit de la résolution du plan sans ouverture d’une seconde procédure collective.

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi, par une motivation aussi concise que précise : « Selon l'article L. 626-27, I, alinéa 4, du Code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19 du même code, le jugement prononçant la résolution du plan de redressement met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Il en résulte que, lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances ».

La particularité de l’espèce tient au fait que la résolution du plan a été prononcée sans ouverture d’une seconde procédure collective. La solution est possible, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, lorsque la résolution a pour cause l’inexécution du plan et qu’il n’y a pas démonstration de l’état de cessation des paiements.

En l’espèce, le commissaire à l’exécution du plan avait certes demandé l’ouverture de la liquidation judiciaire concomitamment à la résolution du plan mais, et encore que la Cour ne s’explique pas sur ce point, n’avait sans doute pas caractérisé l’état de cessation des paiements, en démontrant que le passif exigible était supérieur à l’actif disponible.

La situation est en réalité assez classique, car les commissaires à l’exécution du plan, qui sont le plus souvent les demandeurs à la résolution des plans, éprouvent de grandes difficultés à prouver l’état de cessation des paiements, notamment parce qu’ils n’ont pas d’éléments d’information sur l’actif disponible. Cette charge pèse pourtant sur eux lorsqu’ils veulent obtenir concomitamment à la résolution du plan ouverture d’une seconde procédure collective. Il est assez courant que la Cour de cassation soit amenée à censurer des cours d’appel, qui admettent ces ouvertures de liquidation judiciaire concomitante à la résolution du plan, alors que le commissaire à l’exécution du plan a été défaillant dans la démonstration de l’état de cessation des paiements, se contentant, le plus souvent, de faire état de dividendes non payés, parfois anciens, généralement pour des montants importants, sans rapprocher ces dettes exigibles de l’actif disponible. Cela ne gêne pourtant guère en pratique les juridictions de première instance, oubliant ce préalable indispensable tenant à la caractérisation de l’état de cessation des paiements selon les critères classiques : la démonstration doit être apportée que le débiteur est dans l’impossibilité de faire face, avec son actif disponible, à son passif exigible.

En revanche, une cour d’appel, soucieuse d’appliquer la règle de droit, ne manquera pas de rectifier. Et si elle admet que soit prononcée la résolution du plan, elle infirmera la décision des premiers juges ouvrant la seconde procédure collective.

C’est exactement ce qui était advenu en l’espèce. Nous étions donc en présence d’une résolution du plan sans état de cessation des paiements, fondée sur la seule inexécution du plan. En ce cas, il n’y a pas place à ouverture d’une seconde procédure collective. Le débiteur redevient par conséquent in bonis, malgré l’inexécution de son plan.

Si une créance a été déclarée au passif de la procédure de redressement judiciaire et qu’il n’a pas été statué sur son sort au jour de la résolution du plan, cette créance ne peut plus faire l’objet d’une décision de juge-commissaire.

En l’espèce, les débiteurs essayaient d’accréditer l’idée que le juge-commissaire était encore en fonction et pouvait donc statuer, afin de démontrer que le créancier avait encouru la péremption de l’instance relative à ses créances déclarées.

Pourquoi  les débiteurs pouvaient-ils prétendre que le juge-commissaire était encore en fonction ? Parce que le compte-rendu de fin de mission de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et, le cas échéant, du commissaire à l’exécution du plan marque le terme des fonctions du juge-commissaire. Cela est parfaitement exact.

Mais c’est, en l’espèce, hors sujet. Pourquoi ? Tout simplement parce que, après résolution du plan, et dès lors qu’il n’y a pas ouverture d’une seconde procédure collective, il n’y a plus de procédure collective en cours.

Faire admettre une créance au passif d’une procédure collective qui n’existe plus apparaît comme un non-sens absolu. Là se trouve la raison qui a conduit la Cour de cassation a statué comme elle l’a fait et un énoncé que « lorsque la résolution du plan n'est pas suivie d'une procédure de liquidation, en l'absence de procédure collective en cours, le juge-commissaire ne peut plus être saisi pour statuer sur l'admission ou le rejet des créances ».

Puisqu’il n’y a plus matière à faire admettre ou rejeter une créance, le juge-commissaire ne peut évidemment plus constater la péremption de l’instance relative aux créances déclarées.

Que se serait-il passé, en revanche, si une seconde procédure collective avait été ouverte concomitamment à la résolution du plan, en présence de la caractérisation de l’état de cessation des paiements ? Le juge-commissaire de la première procédure collective ne serait pas davantage resté en fonction, puisqu’il était juge-commissaire de la première, non de la seconde procédure collective. En revanche, le créancier aurait pu faire admettre sa créance au passif de la seconde procédure collective, après nouvelle vérification de sa créance. En effet, si la contestation de créance n’est pas tranchée au jour de la résolution du plan et de l’ouverture de la seconde procédure collective, la contestation de la créance de la première procédure collective n’a plus d’objet. Il ne peut y avoir de décision d’admission ou de rejet dans une procédure collective qui n’existe plus.

Alors comment faudra-t-il procéder ? Il conviendra de vérifier la créance dans la seconde procédure collective [2], ce qui autorisera le mandataire judiciaire ou plus souvent le liquidateur, ainsi que le débiteur, à contester à nouveau la créance, éventuellement sur le même fondement que celui invoqué dans le cadre de la première procédure collective. Et c’est tout le processus de contestation de la créance qui devra être à nouveau suivi, en commençant par la lettre recommandée de contestation de la créance.

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