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Période suspecte : nullité du paiement d'honoraires versés à un cabinet de restructuring durant la conciliation - Cass. com., 14 décembre 2022, n° 21-14.206

[11/01/2023]

Peut être annulé sur le fondement des nullités de la période suspecte le paiement d'honoraires intervenus en exécution d’une convention pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels durant la période de conciliation ; L’article L. 632-2 du Code de commerce ne doit pas être interprété à la lumière de la Directive « Insolvabilité » (Directive n° 2019/1023, du 20 juin 2019) dont la transposition par l'ordonnance du 15 septembre 2021 n'a pas modifié ce texte.

Faits et procédure. 

Le 21 avril 2017, une procédure de conciliation a été ouverte. Le 23 juin 2017, aux termes d'un contrat dénommé « convention d'assistance et de conseil », passé entre une société spécialiste en management de crise (la cocontractante) et la débitrice, représentée par sa présidente, la présidence de cette dernière a été confiée à la cocontractante.

Le 31 juillet 2017, la société présidente a procédé à la déclaration de cessation des paiements de la débitrice. Le 4 août 2017, le tribunal a ouvert la liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er juillet 2017. Le 13 octobre 2017, le tribunal a arrêté un plan de cession. La date de cessation des paiements a été reportée ensuite au 31 décembre 2016.

Entre le 23 juin 2017, date de la nomination de la cocontractante à la présidence et le 4 août 2017, date du jugement d'ouverture de la procédure collective, la débitrice a versé à la première une somme de 382 206,48 euros à titre de rémunération des prestations fournies en exécution de la convention d'assistance et de conseil.

Considérant que ces paiements étaient intervenus en période suspecte, le liquidateur a assigné la cocontractante afin d'obtenir leur annulation sur le fondement de l'article L. 632-2 du Code de commerce.

La cour d’appel (CA Versailles, 26 janvier 2021, n° 20/00855 ) ayant donné gain de cause au liquidateur, la cocontractante a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. 

Elle soutenait qu'en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, le paiement d'honoraires pour la recherche d'assistance et de conseils professionnels, lorsqu'ils sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration, ne saurait être déclaré nul. Or, en annulant les paiements litigieux, la cour d'appel aurait violé l'article L. 632-2 du Code de commerce, interprété à la lumière de la Directive n° 2019/1023, du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle constate d’abord que l'arrêt d’appel a relevé qu'à la date de la convention d’assistance, la débitrice était en procédure de conciliation, et que les paiements litigieux sont intervenus en exécution de cette convention les 5, 25 et 31 juillet 2017, sans que la cocontractante ait soutenu devant la cour d'appel que la débitrice bénéficiait alors d'une procédure assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la Directive précitée.

Ainsi, la Cour en déduit que le moyen, qui postule à tort que l'article L. 632-2 du Code de commerce devait être interprété à la lumière de la Directive dont la transposition par l'ordonnance du 15 septembre 2021 (ordonnance n° 2021-1193 n'a pas modifié ce texte, n'est pas fondé.

Observations. Il semble que la demanderesse au pourvoi faisait ici référence à l’article 18 de la Directive « Insolvabilité », intitulé « Protection accordée à d'autres transactions liées à une restructuration ».

Selon le § 1 de cet article « […] les États membres veillent à ce que, en cas d'insolvabilité ultérieure d'un débiteur, les transactions qui sont raisonnables et immédiatement nécessaires à la négociation d'un plan de restructuration ne soient pas déclarées nulles, annulables ou inopposables au motif que de telles transactions seraient préjudiciables à la masse des créanciers, sauf si d'autres motifs supplémentaires prévus par le droit national le justifient ».

Le § 4 précise ensuite que « parmi les transactions visées au paragraphe 1 figurent, au minimum : 
a) le paiement d'honoraires et de frais pour la négociation, l'adoption ou la validation d'un plan de restructuration ;
b) le paiement d'honoraires et de frais pour la recherche de conseils professionnels en liaison étroite avec la restructuration […] ».

Les cabinets de restructuring, notamment sollicités dans le cadre de prepack cession, ont donc tout intérêt à porter une attention particulière à cette décision rendue par la Cour de cassation.

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