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La réforme des tribunaux des activités économiques (notamment celui d'AVIGNON !)

[01/02/2025]

L’adoption du décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l’expérimentation de la contribution pour la justice économique (CJE) parachève la mise en œuvre des tribunaux des activités économiques (TAE) dont l’expérimentation débute dès le 1er janvier 2025. L’occasion est donnée de faire le point sur cette réforme des TAE qui s'annonce procéduralement délicate.

1. L’adoption du décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024, relatif à l’expérimentation de la contribution pour la justice économique (CJE), pris pour l'application de l'article 27 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027  parachève la mise en œuvre des tribunaux des activités économiques (TAE) dont l’expérimentation débute, dans certains tribunaux, dès le 1er janvier 2025. L’objet du présent article est de présenter ledit décret (I) mais surtout, plus largement, de livrer les éléments les plus saillants de cette réforme sans précédent des TAE (II).

I. La contribution pour la justice économique (CJE)

2. La CJE est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. Cette contribution est due par l’auteur de la demande initiale, lorsque la valeur totale des prétentions qui y sont contenues est supérieure à un montant de 50 000 euros.

3. Le décret précise tout d’abord le champ d’application et le barème de la CJE.

Ainsi, les demandes incidentes ne sont pas soumises à la CJE. Lorsque la demande initiale est formée par plusieurs demandeurs, la CJE est due par chacun d’eux, et la valeur totale des prétentions est appréciée séparément pour chacun. Les sommes demandées au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ne constituent pas des prétentions dont la valeur doit être prise en compte pour l’assujettissement à la CJE ou pour le calcul du montant de cette contribution.

4. Au sens dudit décret, ne constituent pas une demande initiale : la demande tendant à l’exercice d’une voie de recours mentionnée au titre XVI du livre Ier du Code de procédure civile ; la demande tendant à la modification, la rétractation ou la contestation d’une ordonnance rendue sur requête ; la demande tendant à l’interprétation, la rectification ou le complément d’une précédente décision, en application des articles 461 à 463 du Code de procédure civile ; l’acte de saisine du TAE en tant que juridiction de renvoi après cassation.

5. En revanche, en cas de saisine d’un TAE à la suite d’une décision d’incompétence rendue par toute autre juridiction, la contribution est due. En cas de décision d’incompétence d’un TAE au profit d’un autre TAE, la CJE n’est due qu’une seule fois.

6. Le décret prévoit ensuite les cas dans lesquels la contribution n’est pas due, notamment lorsque la demande est formée par le Ministère public, l’État, une collectivité locale, un organisme public de coopération ou une personne physique ou morale de droit privé employant moins de 250 salariés. Puis le décret fixe le barème de la contribution financière perçue « en fonction de la capacité contributive de la partie demanderesse, de sa qualité de personne physique ou morale et du montant de la valeur totale des prétentions formées par elle dans l’acte introductif d’instance ». Il faut alors se référer directement aux tableaux qui figurent dans le décret. Ainsi, on y apprend que, pour les personnes morales, la CJE dépend de leur taille, mesurée à l’aune du montant du chiffre d'affaires annuel moyen sur les trois dernières années, supérieur à 50 millions d’euros et inférieur ou égal à 1,5 milliard d’euros, ou supérieur à 1,5 milliard d’euros, et à l’aune du montant du bénéfice annuel moyen sur les trois dernières années, supérieur à 3 millions d'euros ou supérieur à 0. Le montant de la CJE est soit de 3 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 50 000 euros, soit de 5 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 100 000 euros, selon donc la taille. Pour les personnes physiques, il est tenu compte du revenu fiscal de référence : supérieur à 250 000 euros et inférieur ou égal à 500 000 euros, la CJE est de 1 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 17 000 euros ; supérieur à 500 000 euros et inférieur ou égal à 1 000 000 d’euros, la CJE est de 2 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 33 000 euros ; supérieur à 1 000 000 d’euros, la CJE est de 3 % du montant de la valeur totale des prétentions figurant dans l'acte introductif d'instance et dans la limite d'un montant maximal de 50 000 euros.

7. En outre, le décret précise les modalités de versement de la CJE auprès des greffes des TAE. Ainsi, le demandeur joint à l’acte introductif d’instance les documents justifiant de sa situation. Le greffier détermine si le demandeur est assujetti à la CJE et en calcule le montant en fonction du barème, après avoir, le cas échéant, sollicité des justificatifs complémentaires ou manquants. Lorsque le demandeur est assujetti à la contribution, le greffier l’avise par tous moyens, avant la première audience, du montant dont il doit s’acquitter et de l’irrecevabilité encourue en cas de non-paiement. Le versement de la contribution est effectué au guichet du greffe ou, par voie électronique, sur le site « www.tribunaldigital.fr ». Il donne lieu à l’émission d’un justificatif, le cas échéant, dématérialisé qui est joint au dossier par le greffe. Le produit de la contribution est conservé sur le compte de dépôt dédié jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jugement qui dessaisit le TAE ou, le cas échéant, de la décision qui constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement du tribunal. Toutefois, lorsque ces décisions font l’objet d’un recours, la contribution reste conservée sur le compte de dépôt dédié jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la décision qui statue sur ce recours. La contribution est remboursée en cas de décision constatant l’extinction de l’instance par suite d’un désistement ou bien de transaction conclue à la suite du recours à un mode amiable de résolution des différends, lorsqu’elle met fin au litige.

8. Le décret apporte encore des précisions sur l’irrecevabilité de la demande du fait du défaut de versement de la CJE ainsi que sur la liquidation de la CJE.

9. Enfin, « En cas de comportement dilatoire ou abusif d’une partie au litige, le tribunal des activités économiques peut condamner celle-ci à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés ».

10. En résumé, les demandeurs employant plus de 250 salariés devront contribuer à hauteur de 5 % maximum du cumul des demandes au moment de l’acte introductif supérieur à 50 000 euros. La CJE se calcule suivant un barème prenant en compte le montant des demandes initiales, la nature du litige, la capacité contributive de la partie demanderesse, appréciée en fonction de son chiffre d’affaires annuel moyen sur les trois dernières années, ses bénéfices ou son revenu fiscal de référence et sa qualité de personne physique ou morale. Un plafond de 100 000 euros est institué. Si la CJE n’est pas versée alors qu’elle doit l’être, la sanction est l’irrecevabilité de la demande que le juge peut prononcer d’office. Par exception, sont exclus du paiement de la CJE le demandeur à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective prévue au livre VI du Code de commerce et au règlement amiable agricole ; l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements ; les personnes physiques et les personnes morales employant moins de 250 salariés ; les demandes incidentes, de rectification, interprétation, vérification des dépens, d’homologation d’un accord amiable, de modification, rétractation, contestation d’une ordonnance sur requête. En cas de résolution amiable emportant extinction de l’instance ou de l’action, ou en cas de désistement, la CJE est remboursée.

11. Au-delà des aspects formels, procéduraux et techniques, la CJE est critiquable en ce qu’elle constitue un nouvel impôt ou plutôt une nouvelle taxe qui ne dit pas son nom et qui porte considérablement atteinte au droit d’accès à la justice. En cela, le principe même de la CJE est inadmissible. De plus, tous les tribunaux de commerce de France n’étant pas devenus des TAE, il va sans dire que ceux qui sont restés de « simples » tribunaux de commerce vont sans doute voir leur activité augmenter. En effet, les clauses territoriales attribuant compétence aux juges consulaires non TAE risquent de fleurir, donnant lieu à un forum shopping d’opportunité, très discutable.

12. Quel que soit le montant du litige, le tribunal de commerce reste et doit rester une juridiction de proximité, accessible au justiciable. Si l’on peut comprendre la logique économique et financière, on ne peut qu’espérer que la CJE n’éloigne pas précisément le justiciable de la juridiction consulaire. Quel que soit le montant du litige, la justice commerciale ne doit pas devenir un contentieux élitiste.

II. La compétence élargie des TAE

13. L’objectif des TAE n’est pas nouveau : il s’agit de l’augmentation du champ de compétence des tribunaux de commerce. En lien avec l’attractivité du droit commercial, les juges consulaires plaident depuis longtemps en faveur d’un élargissement de leur domaine d’intervention. Ces dernières années, on a ainsi pu voir le tribunal de commerce devenir compétent pour les auto-entrepreneurs qui déposent le bilan, les artisans , les cautionnements de dettes commerciales et même pour apprécier la situation de surendettement de tout entrepreneur individuel avant de renvoyer la demande, le cas échéant, à la commission de surendettement des particuliers.

14. Le sujet n’est donc pas neuf. La méthode en revanche innove. Certes, c’est celle de l’expérimentation qui a été choisie. Ainsi, le décret n° 2024-1225 précise les modalités de conduite et d'évaluation de l'expérimentation : un comité de pilotage accompagne les TAE désignés tout au long l'expérimentation et, à l'issue, un comité d'évaluation rédige le rapport final remis par le Gouvernement au Parlement .

L’expérimentation est une manière moderne, voire plus douce de légiférer, en particulier dans les domaines sensibles. Mais surtout, tous les tribunaux de commerce de France ne sont pas devenus, au 1er janvier 2025, des TAE. Seuls douze d’entre eux, qui ont candidaté pour l’être, sur la base du volontariat, le sont devenus. Il s’agit des tribunaux de commerce de Marseille, Saint-Brieuc, Nancy, Lyon, Le Mans, Paris, Le Havre, Versailles, Avignon, Limoges, Auxerre et Nanterre [6].

15. Ces douze tribunaux, « anciennement » de commerce, changent de dénomination : à compter du 1er janvier 2025, tous les actes du ressort des TAE doivent être adressés au « tribunal des affaires économiques de [ville] » et non plus au « tribunal de commerce » et ce, quelles que soient la procédure et la matière concernées.

Concrètement, toutes les affaires en cours devant ces juridictions, dans toutes les matières (droit commun ou rôle général, référé, mise en état ou juge chargé d’instruire l’affaire dit « JCIA », procédure collective, etc.) sont dorénavant adressées non plus au tribunal de commerce ou au président du tribunal de commerce mais au TAE ou au président du TAE.

16. Ne sont concernées que les affaires nouvelles à compter du 1er janvier 2025 : celles en cours, devant les tribunaux de commerce devenus des TAE, restent traitées par les mêmes tribunaux qui changent seulement de nom, et la CJE n’est pas exigible ; en revanche, pour les affaires nouvelles, la CJE est exigible si les conditions sont remplies.

17. Ces tribunaux sont, pendant le temps de cette expérimentation, compétents pour connaître des procédures prévues au II de l’article 26 de la loi du 20 novembre 2023 et ouvertes à compter du 1er janvier 2025. Corrélativement, les tribunaux judiciaires, dont le ressort correspond au ressort des TAE ainsi créés (Marseille, Le Mans, Limoges, Lyon, Nancy, Avignon, Carpentras, Auxerre, Paris, Saint-Brieuc, Le Havre, Nanterre, Versailles) se voient ôter toute compétence pour ces mêmes procédures.

18. Dans quels cas ces douze TAE sont-ils compétents et a priori exclusivement ?

En substance, ils le sont dans deux grandes hypothèses.

La première est celle des procédures collectives, tant préventives que curatives.

Désormais, les procédures d’alerte, de prévention (mandat ad hoc et conciliation) et de traitement des difficultés (« procédures collectives ») du livre VI du Code de commerce, qui étaient de la compétence matérielle du tribunal judiciaire du ressort des douze TAE, seront traitées par lesdits TAE.

Sont concernés par cette compétence, sans doute exclusive du TAE, les agriculteurs, les associations, les sociétés civiles et les professions libérales, à l’exception des professions juridiques et judiciaires règlementées (avocats, notaires, commissaires de Justice, greffiers, administrateur judiciaires, mandataires judiciaires) conformément à l’article L. 722-6-1 du Code de commerce.

19. En somme, le tribunal judiciaire qui était compétent hier en matière de procédures de prévention et de traitement des difficultés, pour les agriculteurs, les associations, les sociétés civiles et les professions libérales, ne l'est plus, au profit du TAE, à l’exception des procédures concernant les avocats, notaires, commissaires de justice, greffiers, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. 

20. La seconde hypothèse est celle des baux commerciaux. Ainsi, en vertu du II de l’article 26 de la loi du 20 novembre 2023 : « Le tribunal des activités économiques, saisi de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, connaît de toutes les actions et les contestations relatives aux baux commerciaux qui sont nées de la procédure qui présentent avec celle-ci des liens de connexité suffisants ».

21. Cette double compétence élargie des TAE appelle plusieurs remarques.

22. Comme déjà indiqué, l’attractivité du droit commercial n’est pas nouvelle. La doctrine s’interroge depuis de nombreuses années déjà sur l’évolution du Code de commerce vers un Code des activités économiques. L’entrée des professions libérales dans le livre VI du Code de commerce par la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005), tout comme l’arrêt de la Cour de cassation qui a affirmé la compétence exclusive du tribunal de commerce en refusant d’accorder une option de compétence au dirigeant, même non-commerçant, d’une société commerciale, sont autant de manifestations de ce mouvement. Quoi qu’il en soit, et même si la réforme est d’envergure, seuls sont concernés soit les difficultés financières des activités civiles (sauf les professions du droit), soit les litiges en matière de baux commerciaux qui sont nés de la procédure du livre VI « et qui présentent avec celle-ci des liens de connexité suffisants ».

23. L’extension de compétence des TAE est par conséquent très limitée : non seulement il ne s’agit que des procédures collectives, et, s’agissant des baux commerciaux, ne sont concernées que les actions et les contestations relatives à ces baux qui sont nées de la procédure qui présentent avec celle-ci des liens de connexité suffisants. Dans ces conditions, cette extension de compétence ne devrait pas, a priori, profondément bouleverser la répartition du contentieux de la faillite puisque les tribunaux de commerce sont saisis chaque année de la majeure partie des demandes d'ouverture de procédure collective. Les tribunaux judiciaires ne traitent qu’une partie résiduelle, sauf peut-être pour les procédures préventives qui sont relativement nombreuses au tribunal judiciaire, ce d’autant que, les tribunaux judiciaires précisément restent compétent pour connaître des procédures amiables et collectives des professions juridiques et judiciaires .

24. Il n’empêche que, s’agissant des professions libérales et des baux commerciaux, la nouvelle répartition de compétence n’est pas d’une clarté absolue.

25. Pour les professions libérales, avant la réforme des TAE, le principe était celui de la compétence du juge judiciaire [10], que le professionnel libéral exerce en individuel, en SCP ou en SEL [11]. Cette compétence collait bien au demeurant avec la compétence des tribunaux judiciaires en matière de baux commerciaux conformément à l’article R. 145-23 du Code de commerce : L4149LTT. Il y avait ici une forme de cohérence, même s’il est vrai que les professions libérales concluent plus, pour l’exercice de leur activité, de baux professionnels que de baux commerciaux.

26. Aujourd’hui les pistes sont brouillées, à plusieurs niveaux. D’abord, s’agissant des professions libérales, il faut relever que l’article L. 721-5 du Code de commerce n’a pas été mis au diapason de la réforme des TAE. Nous pensons, comme notre collègue Véronique Martineau-Bourgninaud, qu’il faut « en conclure que les sociétés d'exercice libéral se trouvent exclues du champ de compétence des tribunaux des activités économiques et que le tribunal judiciaire conserve pleine compétence pour connaître les procédures amiables ou collectives ouvertes à l'encontre de ces sociétés » Cela signifie qu’une profession libérale qui ferait l’objet d’une procédure, préventive ou curative, du livre VI du Code de commerce, pourrait relever d’un TAE à condition que ce professionnel libéral n’exerce pas en SEL. Car s’il exerce en SEL, la compétence du TAE semble exclue au profit de la compétence du tribunal judiciaire. Comment expliquer que, pour une même profession, selon le mode d’exercice du professionnel, ce sera soit le TAE (exercice individuel, SCP voire société de droit commun) qui sera compétent, soit le tribunal judiciaire (exercice en SEL) ? Il n’y a aucune cohérence, aucune justification, et même à n'en pas douter un traitement inégalitaire devant la loi.

27. De plus, depuis le 1er septembre 2024, les sociétés d’exercice de droit commun (SEDC) des professions juridiques et judiciaires sont assimilées à des SEL. Cela ne suffit pas, nous semble-t-il, à exclure la compétence du tribunal de commerce pour des litiges opposants des associés de SEDC et/ou des associés à leur SEDC dans la mesure où la référence de l’article L. 721-5 du Code de commerce à l’ordonnance du 8 février 2023 crée le doute [14]. À plus forte raison, s’il s’agit d’autres professions libérales relevant des professions techniques et du cadre de vie, lesquelles, contrairement aux professions du droit, conservent la possibilité d’exercer leur profession au moyen de société commerciale de droit commun, le tribunal de commerce paraît rester compétent .

28. En somme, les professions libérales structurées en société de droit commun doivent pouvoir être éligibles au TAE et ce, malgré le caractère civil de leur activité ; à l’inverse, les professions libérales structurées en SEL relèvent de la compétence du tribunal judiciaire. Les professions techniques, majoritairement structurées en société de droit commun, devraient ainsi relever des TAE. Les professions de santé, essentiellement structurées en SEL, relèvent toujours du tribunal judiciaire, excepté les SEL d’officine de pharmacie qui doivent pouvoir relever soit du tribunal judiciaire soit du TAE [16]. Quant aux professions juridiques et judiciaires, elles continuent de relever du tribunal judiciaire quelle que soit la forme de leur société.

29. On pourrait même imaginer, dans les situations les plus complexes, une profession libérale qui aurait conclu un bail commercial, qui ferait l’objet d’une procédure curative et non préventive du livre VI du Code de commerce, qui pourrait donc relever d’un TAE, à condition bien entendu que le litige lié à ce bail présente avec ladite procédure des liens de connexité suffisants, mais à condition également, si l’on reprend le raisonnement précédent, que ce professionnel libéral n’exerce pas en SEL. Car s’il exerce en SEL, la compétence du TAE semble exclue, sauf à considérer que le bail commercial en jeu, parce qu’il présente des liens de connexité suffisants avec la procédure collective, permette de rattacher ce contentieux au TAE.

30. Compte tenu de cette complexité, il y a à fort à parier que certains plaideurs vont utiliser l’arme de la compétence en soulevant à foison des exceptions de compétence, ne serait-ce que pour perdre ou gagner du temps si tel est l’intérêt de leur client. C’est plus que regrettable. La mise en état dans les juridictions risque d’être complètement engorgée par ces sujets de compétence juridictionnelle.

31. Ensuite, s’agissant des baux commerciaux, le texte ne vise que les procédures de traitement, à savoir sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires. Le mandat ad hoc et la conciliation ne sont pas concernés . Dès lors, on peut au moins évoquer deux hypothèses. Celle d’abord de droit commun. Ainsi, en matière de baux commerciaux, en vertu de l’article R. 145-23 du Code de commerce, c’est le tribunal judiciaire ou son président qui est en principe compétent. Et c’est le président du tribunal judiciaire qui est saisi classiquement, dans le cadre d’un référé droit commun, lorsque par exemple un bailleur souhaite que soit acquise la clause résolutoire (en cas d’impayés avec commandement visant ladite clause resté infructueux pendant plus d’un mois). Ce juge reste-t-il compétent ? La réponse est sans doute positive même en présence d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation. En revanche, en cas de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires, sous réserve que le bail dispose des liens de connexité suffisants, ce devrait être dorénavant le président du TAE, dans le cadre d’un référé droit commun, qui devrait être compétent.

32. Autre hypothèse, celle de la compétence du juge-commissaire. On le sait, le juge-commissaire est compétent en matière de bail commercial en cas de procédure collective, par exemple pour prononcer la résolution du bail (en cas de loyers postérieurs impayés), si ce n’est que le juge-commissaire ne peut pas prononcer l’expulsion du locataire. D’où le recours au juge de droit commun. Ce juge reste-t-il compétent ? Difficile de répondre, d’autant plus que le critère des « liens de connexité suffisants » est plus que vague.

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