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La cotation Banque de France : les cas de défaut et leurs conséquences

[16/12/2022]

Les récents travaux de l’IFPPC ont permis d’étudier les conséquences de la restructuration des prêts garantis par l’État (PGE).

Nous savons que sur 800 000 PGE qui ont été accordés pour un montant d’environ 150 milliards d’euros, 60 % des PGE l'ont été pour des montants inférieurs à 50 000 euros, la grande majorité des PGE étant remboursée sans difficulté.

Cependant, 12 000 entreprises ayant bénéficié de PGE ont eu recours à une procédure collective, ce qui représente un encours PGE d’environ 1 milliard d’euros. Nous savons qu’il est possible de renégocier des PGE dans différents cadres et particulièrement la conciliation, ce qui permet de dépasser la durée maximale de 6 ans. En pratique, une négociation avec les établissements bancaires concernés permet de demander un différé supplémentaire et une durée d’amortissement maximum de 10 ans.

En outre, la médiation du crédit peut intervenir, étant précisé qu’il est recommandé de demander en même temps la restructuration des autres concours bancaires afin que les efforts consentis soient proportionnés et équitablement répartis. Bien entendu, ce schéma est exclusif de la constitution de toute nouvelle garantie, ce qui correspond à un usage déjà ancien.

La difficulté concerne l’impact de ce défaut et de cette renégociation sur les cotations Banque de France qui se décomposent en cotations éligibles au refinancement (4 et plus) et en cotations non éligibles au refinancement (5 et moins).

Cependant, les règles européennes (voir ci-après) imposent de considérer qu’un crédit non honoré à son échéance doit être déclaré en défaut auprès de la Banque de France, qu’il soit garanti par l’État ou non. Si le PGE est restructuré, ce mécanisme reste valable et si l’établissement constate une restructuration avec une perte de valeur, la cotation peut au mieux être fixée à 5.

Lorsque le cas de défaut est déclaré, il doit être maintenu au minimum pour une durée d’un an puis il sera levé en fonction de l’appréciation de l’établissement bancaire concerné et cela en fonction du respect du nouveau plan d’étalement et des perspectives de l’entreprise. Il peut être maintenu jusqu’au remboursement intégral du crédit restructuré.

Il a été indiqué qu’en pratique, les entreprises qui ont recours à la prévention et qui ont des difficultés à rembourser leur PGE sont déjà affectées de cotations non éligibles, de sorte que la restructuration ne pourrait avoir un effet plus négatif.

Ce raisonnement nous paraît un peu court, dès lors qu’il s’agit :

- de constater que le défaut ne nuit pas à la pérennité de l’entreprise qui reste crédible, ce qui doit être démontré par un audit critique et pertinent ;

- le cas de défaut est justifié en raison des difficultés alléguées, de sorte qu’un accord peut être trouvé sur un nouvel échéancier ;

- ce nouvel échéancier apparaît crédible en regard de prévisions validées.

Si tel est le cas, pourquoi laisser perdurer une mention de défaut qui ne peut avoir qu’un effet contaminant sur la crédibilité de l’entreprise ? L’efficacité de la prévention et sa crédibilité ne commandent-elles pas qu’un échéancier respecté puisse faire disparaître la mention d’un cas de défaut sans attendre l’année minimum, à condition bien entendu qu’un nouveau cas de défaut ne survienne pas ?

La coïncidence entre la persistance d’un état de défaut et la signature d’un accord avec un nouvel échéancier apparaît contraire à la logique et contraire à l’objectif recherché qui est de restaurer la capacité financière de l’entreprise en regard de prévisions validées.

Or, la note financière dégradée et la présence d’un cas de défaut non purgé ne peuvent qu’avoir des conséquences négatives pour l’entreprise, qui peuvent avoir un effet négatif sur sa capacité de remboursement, ce qu’il convient d’éviter.

En pratique, nous savons que depuis le 8 janvier 2022, une nouvelle échelle de cotation Banque de France a été mise en place, celle-ci étant passée de 13 niveaux à 22 niveaux pour offrir une évaluation plus précise de la santé financière des entreprises cotées.

Cette nouvelle échelle répond à un besoin d’harmonisation avec les standards européens. Plus précisément, la cote de crédit concerne la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements financiers à 3 ans, la cote 1+ étant excellente ++, la cote 5 étant « fragile », 5- « assez faible », 6+ « très faible », 6 « menacée »…

Il ne s’agit pas seulement de la prise en compte de cas de défaut mais aussi d’un diagnostic tenant compte des secteurs d’activité, de l’analyse des comptes, de l’évolution du marché, la solidité de l’actionnariat, les perspectives, la transparence, etc.

Cette cotation sert aussi aux banques pour calculer leur besoin en fonds propres en fonction des règles de solvabilité adoptées par l’Eurosystème en permettant d’apprécier la qualité d’un portefeuille de créances. Cette cotation est attribuée par des analystes financiers.

La cote d’activité concerne le chiffre d’affaires avec la cote A pour les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires, E entre 15 et 30 millions, H entre 0.75 et 1.5 million d’euros,…

Les destinataires de cette cotation qui a, en principe, un caractère confidentiel sont encadrés par l’article L. 144-1 du Code monétaire et financier. Il s’agit des entreprises concernées et des acteurs du financement de l’économie adhérents au service FIBEN, ainsi que certains clients internes à la Banque de France.

En pratique, la situation de carence va priver l’entreprise de l’accès à tout nouveau crédit et va renchérir les conditions des prêts qui lui seraient éventuellement consentis. Bien entendu, des demandes de garantie seront formulées, ce qui va renforcer la fragilité financière de l’entreprise concernée.

Rappelons que depuis 2009, la loi plafonne les délais de paiement contractuels interentreprises qui ne doivent pas dépasser 60 jours à compter de la date de la facture ou 45 jours fin de mois (C. com., art. L. 441-10).

La rédaction actuelle de cet article a été fixée par une ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 . Ce délai peut être réduit en application de l’article L. 441-11.

La DGCCRF est chargée de contrôler le respect de ces règles et peut infliger une amende administrative d’un montant maximum de 2 millions d’euros pour une personne morale, cette sanction étant publiée. En cas de réitération dans un délai de deux ans, le montant de l’amende peut être doublé.

En outre, les dirigeants sont cotés à partir des décisions judiciaires des tribunaux sur les liquidations des entreprises.

Environ 240 000 sociétés ont été cotées en 2021 par la Banque de France ainsi que 5,5 millions de dirigeants d’entreprises. 60 % des entreprises se sont vu attribuer une cote de crédit de 1- à 4.

Il faut préciser qu’en application de l’article D. 144-12 du Code monétaire et financier  : L7974LRR, le dirigeant ne fera plus l’objet d’une cote particulière s’il n’a connu qu’une liquidation judiciaire au cours des cinq dernières années.

Par ailleurs, à la suite d’un décret n° 2018-834 du 1er octobre 2018  : L3605LMH, la Banque de France a été autorisée à supprimer la notation 0.50 attribuée aux dirigeants ayant connu deux liquidations judiciaires depuis moins de cinq ans. Une nouvelle étape a ainsi été franchie.

Il est ainsi démontré que pour permettre le « rebond », une cotation peut être aménagée : pourquoi ne pas en faire bénéficier les entreprises qui ont besoin de retrouver rapidement leur crédibilité ? Il existe d’autres précédents, comme le différé d’inscription de privilèges, la non-inscription de privilèges en-dessous d’un certain seuil de créances.

Certes, une notation a pour objet d’informer, mais ce droit à l’information ne doit pas aggraver les difficultés d’une entreprise qui retrouve la confiance de ses créanciers et a obtenu un réaménagement de ses échéances concrétisé par un accord avec ses principaux créanciers.

Le défaut ne devrait pas survivre à une conciliation qui a réussi et qui doit conserver un caractère attractif.

La difficulté provient de la nouvelle définition du cas de défaut issue de l’article 178 du Règlement UE n° 575/2013 du 26 juin 2013  : L2751IYK complété par le Règlement n° 216-445 de la BCE du 14 mars 2016 ([en ligne]), le Règlement délégué UE n° 2018/171 de la Commission du 19 octobre 2017 N° Lexbase : L2603LIA et les orientations GL 2016/07 de l’ABE ([en ligne]).

L’application de ces règles est encadrée par l’Autorité bancaire européenne dite ABE. Il s’agit d’appliquer la réglementation prudentielle européenne qui intègre des ratios de solvabilité imposés tenant compte des risques de contrepartie.

Les règles européennes sur le défaut bancaire sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 avec un report au 1er janvier 2022 à la suite de la crise de la covid. Un délai unique de 90 jours pour la définition du défaut a été fixé en cas d’impayés avec des seuils extrêmement bas.

Le retour à un statut neutre n’est possible qu’à l’issue d’une période de probation de 3 mois débutant lorsque tous les motifs d’entrée en défaut ont disparu. La difficulté vient aussi du fait que sont des cas de défaut :

- la restructuration en urgence de l’obligation de crédit qui aboutira vraisemblablement à sa réduction du fait de l’annulation ou du report d’une fraction significative du principal des intérêts ou le cas échéant, des commissions ;

- lorsque la mise en faillite du débiteur a été demandée ou l’application d’une mesure similaire concernant l’obligation de crédit ;

- lorsque le débiteur a demandé ou fait l’objet d’une mise en faillite ou d’une protection similaire évitant au retardement le remboursement de son obligation de crédit envers l’établissement, l’entreprise mère ou l’une de ses filiales.

Bien entendu, la Banque de France est habilitée à établir des cotations correspondant aux exigences européennes.

Quelle est l’incidence d’une mesure de prévention ? L’ouverture d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation ne constitue pas une défaillance. Cependant, la difficulté vient de la caractérisation d’un cas de défaut lorsque l’établissement concerné estime que le débiteur ne pourra probablement pas s’acquitter intégralement de ses obligations.

Or, la restructuration en urgence est caractérisée lorsque les concessions ont été accordées à un débiteur rencontrant ou étant sur le point de rencontrer des difficultés pour honorer ses engagements financiers, ce qui correspond en pratique au cas d’ouverture d’une mesure de prévention.

Le classement en cas de défaut doit, en principe, intervenir lorsque les renégociations prévues aboutiront vraisemblablement à une réduction de l’obligation financière, le seuil étant supérieur à 1 %.

Il faudrait donc clairement établir, d’une part, que la mesure de prévention ne déclenche pas l’ouverture d’un cas de défaut et, d’autre part, que la renégociation d’un accord en principe vers un rééchelonnement ne constitue pas davantage un cas de défaut.

Il faudrait donc veiller à demander aux établissements bancaires en cas d’ouverture de prévention un stand still de 90 jours (comme le prévoient les recommandations faites par l’ARE) pour éviter la caractérisation d’un cas de défaut. La question du retour à une cotation normale à la suite de la signature d’un accord serait aussi logique.

Tout ceci mérite donc une clarification dans le but de maintenir et de promouvoir la prévention, ce qui est évidemment nécessaire, dans l’intérêt, bien compris, de tous les acteurs de ces procédures.

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