Exclusion de garantie de l’AGS lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail : la position de la Cour de cassation jugée contraire au droit de l’Union européenne
[05/03/2024]
L’exclusion de la couverture des créances salariales par l’AGS lorsque le travailleur a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat est contraire au droit de l’Union européenne. CJUE, 22 février 2024, aff. C-125/23La CJUE constate que rien dans le texte de cette Directive ne permet de conclure que la garantie des créances des travailleurs par une institution de garantie puisse être exclue, par un État membre, dans le cas où la rupture du contrat de travail est à l’initiative de ce travailleur en raison d’un manquement de l’employeur.
Elle précise ensuite que la cessation du contrat de travail à la suite de la prise d’acte de la rupture de ce contrat par le travailleur, en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite dudit contrat, considérée par une juridiction nationale comme étant justifiée, ne saurait être regardée comme résultant de la volonté du travailleur, dès lors qu’elle est, en réalité, la conséquence desdits manquements de l’employeur.
Or, la Directive n° 2008/94 a une finalité sociale qui consiste à garantir à tous les travailleurs salariés un minimum de protection au niveau de l’Union en cas d’insolvabilité de l’employeur par le paiement des créances impayées résultant de contrats ou de relations de travail (v. en ce sens CJUE, 28 juin 2018, aff. C?57/17, point 46 ).
Ainsi, la CJUE en conclut que la Directive s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la couverture des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail par le régime national assurant le paiement des créances des travailleurs salariés par une institution de garantie lorsque la rupture du contrat de travail est à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné, mais exclut la couverture de telles créances par cette institution de garantie lorsque le travailleur en cause a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et une juridiction nationale a jugé cette prise d’acte comme étant justifiée.
Observations. La position de la Cour de cassation, qui considère au contraire que les indemnités découlant de la prise d'acte, par un salarié, de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ne sont pas garanties par l'AGS (v. Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19.517, FP-P+B N), est donc ici clairement jugée contraire au droit européen.