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Conséquence du défaut de réponse à une contestation irrégulière

[20/02/2021]

Pour être régulière, la lettre de contestation doit préciser que le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, mais qu’il en va autrement si la discussion ne porte que sur la régularité de la déclaration de créance. Cour de cassation chambre commerciale 20 janvier 2021, n° 19-19.415

La procédure de vérification des créances conduit à la contestation d’un certain nombre de créances déclarées.

La contestation de créance prend la forme d’un courrier recommandé avec demande d’avis de déception envoyé par le mandataire judiciaire, ou selon le cas, le liquidateur, au créancier ou à son mandataire.

Ce courrier appelle une réponse dans les trente jours de la contestation.

Le défaut de réponse dans le délai emporte des conséquences importantes pour le créancier : il s’exclut, en première instance, c’est-à-dire devant le juge-commissaire, du débat sur la créance et, si le juge-commissaire confirme la proposition de rejet du mandataire de justice, le créancier perd le droit d’exercer un recours sur la décision rejetant la créance.

Cependant, cette règle souffre, depuis plus de 20 ans, d’un tempérament en jurisprudence.

En effet, si la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, la sanction attachée au défaut de réponse au courrier de contestation ne joue pas.

La solution a été, par exemple, posée lorsque la discussion porte sur le défaut pouvoir du déclarant.

Ce tempérament a été repris à son compte par le législateur.

L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 a ajouté une phrase à l’article L. 622-27 du Code de commerce pour venir préciser que « Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ».

Notons que la Cour de cassation juge que si la lettre de contestation contient tout à la fois une discussion sur la régularité de la déclaration de créance et une discussion sur le fond de la créance déclarée, le créancier qui n’a pas répondu au courrier de contestation n’est pas privé du droit d’interjeter appel car cette privation n’existe que lorsque la discussion porte sur le fond de la créance déclarée, non sur la régularité de la déclaration de créance. La solution repose sur le principe selon lequel une disposition privant une partie d’une voie de recours est d’interprétation stricte.

C’est cet ajout qui est au centre de l’arrêt commenté.

En l’espèce, une EARL et son gérant ont été mis en redressement judiciaire le 17 mars 2017.

Le 5 avril 2017, un créancier a déclaré sa créance à concurrence de 18 134,59 euros.

Par une lettre du 29 août 2017, le mandataire judiciaire l'a informé d'une contestation de la débitrice, proposant le rejet d'une somme de 9 134,59 euros.

Par une ordonnance du 16 mars 2018, le juge-commissaire a admis la créance pour le seul montant de 9 000 euros.

Le 30 avril 2018, le créancier a interjeté appel de cette décision. Ce recours a été déclaré irrecevable par une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 23 janvier 2019.

Pour déclarer l'appel du créancier irrecevable, l'arrêt retient que la lettre du mandataire judiciaire du 29 août 2017 contient une transcription fidèle des dispositions de l'article L. 622-27 du Code de commerce, de sorte que l'appelant est mal fondé à invoquer une quelconque ignorance de la conduite à tenir.

Le pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir estimé que la lettre de contestation reproduisait fidèlement les dispositions de l’article L. 622-27 alors que cette lettre ne mentionnait pas la deuxième phrase de cet article, à savoir la réserve introduite à l’application de la sanction posée par la première phrase, lorsque la discussion  porte sur la régularité de la déclaration de créances.

La Cour de cassation va être séduite par l’argumentation du demandeur au pourvoi et casser la décision de la cour d’appel, en jugeant que « en statuant ainsi, alors qu'elle avait reproduit la lettre de contestation adressée à la société [...] qui, si elle mentionnait que le défaut de réponse dans le délai de trente jours lui interdirait toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, ne précisait pas qu'il en irait autrement si la discussion ne portait que sur la régularité de la déclaration de créance, de sorte que le rappel des dispositions applicables que contenait la lettre n'était pas exact, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ».

La solution adoptée ici par la Cour de cassation, qui considère comme irrégulière la lettre de contestation, participe de la même logique que celle adoptée par la Cour de cassation en matière d’avertissement délivré par le mandataire judiciaire au créancier pour l’informer de l’obligation de déclarer sa créance.

Si le courrier de contestation est incomplet, et qu’il ne rappelle pas toute la disposition de l’article L. 622-27 du Code de commerce, il ne permet pas d’informer le créancier de tous ses droits et obligations, à savoir en l’espèce, le droit qu’il peut faire appel de l’ordonnance du juge-commissaire qui confirmerait la proposition de rejet du mandataire judiciaire, dès lors que la discussion porte sur la régularité de la créance déclarée et non sur le fond de la créance déclarée.

Cette nouvelle irrégularité de la lettre de contestation, laquelle ne vaut donc pas contestation au sens de l’article L. 622-27 du Code de commerce, s’ajoute à une liste déjà longue de ces irrégularités.

La Cour de cassation veille ainsi à ne pas faire perdre des droits de créance aux créanciers, en restreignant au maximum la sanction redoutablement efficace pour le débiteur attachée au défaut de réponse du créancier à la contestation de sa créance.

Commentaire de Pierre-Michel Le Corre, professeur à l'Université Côte d'Azur 

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