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Comment consolider le Prêt Garanti par l'Etat (PGE) - nouvelle procédure de redressement judiciaire - une aubaine pour certaines entrepreneurs ?

[18/09/2021]

Comment étaler de manière simple et rapide le passif exigible sur une durée longue

Une nouvelle procédure de redressement judiciaire a fait son apparition dans le paysage juridique français.

L’article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 a institué une procédure de redressement judiciaire  dit de « traitement de sortie de crise » qui s’applique à compter du 2 juin 2021 jusqu’aux « demandes formées avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de cette même date ».

La procédure est donc temporaire et contient diverses mesures dérogatoires au livre VI du code de commerce.

À l’heure où la renégociation de PGE se heurte à la limite d’amortissement de six ans en raison de contraintes réglementaires et de la garantie étatique, cette procédure peut permettre de restructurer l’endettement (PGE, loyers impayés, etc.). Et là est tout l’intérêt de cette nouvelle procédure : celui de « sauver » ces entreprises du risque de « faillite ».

Cette procédure est dérogatoire et prévoit des disposition spécifiques.

I - Les conditions spécifiques d’ouverture de la procédure

Une procédure à l’initiative exclusive du débiteur. 

L’initiative de la procédure de traitement de sortie de crise relève exclusivement du débiteur, personne physique ou morale.

Les comptes du débiteur doivent apparaître « réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise » (Loi du 31 mai 2021, art. 13, I A).

En conséquence, le débiteur dont les comptes ne peuvent pas permettre d’appréhender avec une grande certitude le passif devra être écarté de cette procédure.

Un débiteur en cessation des paiements. La procédure de traitement de sortie de crise exige que le débiteur soit en « cessation des paiements », sans autre précision. 

Un débiteur disposant de fonds disponibles pour payer ses créances salariales. Le législateur a également ajouté deux conditions spécifiques pour recourir à cette procédure, en imposant d’abord que le débiteur dispose « des fonds disponibles pour payer ses créances salariales » (salaires et indemnités). Cette condition est importante et tranche avec une conséquence habituelle de l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, celle de l’intervention de l’AGS pour avancer les créances salariales dues à l’ouverture d’une procédure.

Il faut ainsi comprendre que l’AGS n’interviendra pas à l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise. L’article 13, III, de la loi exclut d’ailleurs le chapitre V du titre II du livre VI du champ d’application de la procédure (C. com., art. L. 625-1 à L. 625-9).

Un débiteur justifiant être en mesure d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. 

Le débiteur doit également justifier « être en mesure, dans les délais prévus au présent article, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise » (art. 13, I A). Cette condition est double.

D’une part, le débiteur doit être en mesure de présenter le projet de plan dans les délais prévus au D de l’article 13, I, de la loi : « Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois. Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. »

D’autre part, le débiteur doit justifier, au moment de l’examen par le tribunal de la demande d’ouverture de procédure, de sa capacité à élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise (rentabilité prévisionnelle de l’entreprise et adéquation de cette rentabilité avec le passif à apurer).

Cette disposition est une condition déterminante de l’éligibilité à la procédure. Se pose ici la question de l’éligibilité à cette procédure des entreprises qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement, et qui sont en cessation des paiements. Il ne semble pas a priori qu’elles soient exclues du dispositif. Ainsi, une entreprise pourrait solliciter cette procédure afin de soumettre un nouveau plan d’apurement, alors même qu’elle a bénéficié d’un premier plan de sauvegarde – ce qui ici ne serait pas nouveau – ou de redressement.

II - Les désignations dérogatoires des organes de la procédure

La désignation d’un seul auxiliaire de justice.

À l’ouverture de la procédure, le tribunal désigne un mandataire de justice qui peut être un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire (art. 13, I B). Il peut également désigner une autre personne « par décision spécialement motivée ».

III - Une période d’observation simplifiée

Une durée maximale obligatoire plus brève. 

Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée maximale de trois mois (art. 13, I D de la loi).

IV - La détermination du patrimoine du débiteur

Un inventaire facultatif.

L’inventaire du patrimoine du débiteur et des garanties qui le grèvent est établi soit par le débiteur, soit par un officier public ou par un courtier de marchandises assermenté, selon les dispositions du jugement d’ouverture (art. 13, II A).

La simplification de la détermination de l’état des créances. 

Le débiteur porte la responsabilité d’établir la liste des créances avec les mentions usuelles au jour de l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise (art. 13, II B).

V - L’arrêté du plan

Une procédure simplifiée. Aux termes de l’article 13, IV A de la loi, le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues pour le plan de sauvegarde. Il peut ainsi prévoir l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une ou plusieurs activités. Il peut également prévoir des licenciements à la seule condition que le débiteur soit en mesure de les financer immédiatement. Dans la mesure où le mandataire de justice « assiste » le débiteur selon les dispositions de l’article 13, I E de la loi, et dès lors que l’article L. 626-2 du code de commerce est applicable, il semble que le mandataire de justice doive réaliser un bilan économique et social, et le cas échéant, environnemental. Seules les créances mentionnées par le débiteur sur la liste qu’il a établie, sont soumises aux dispositions du plan, à l’exception de certaines créances limitativement nommées (art. 13, IV B). Au demeurant, il n’est pas possible d’éluder la question de l’exactitude de la liste que le débiteur sera amené à établir. Le caractère contraignant de l’interdiction de paiement posée à l’article L. 622-7 du code de commerce a pour corollaire le caractère collectif de cette interdiction. Compte tenu du caractère dérogatoire et particulièrement simplifié de cette procédure, qui ne remet pas fondamentalement en cause l’universalité de ses conséquences sur les créanciers (hors cas spécifiquement énoncés), il importe qu’une vérification de ce caractère collectif soit a minima réalisée afin d’éviter le « debt shopping », c’est-à-dire la soumission, volontaire ou pas, de tel ou tel créancier au plan d’apurement.

La procédure de consultation des créanciers affectés par le plan.

En cas de consultation par écrit, les créanciers disposent d’un délai de 30 jours pour se positionner sur les propositions d’apurement, le défaut de réponse valant acceptation (C. com., art. L. 626-5). L’articulation de ce délai avec la durée de la procédure de traitement de sortie de crise interpelle.

Le montant dérogatoire des annuités.

« le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8 % du passif établi par le débiteur ». Cette disposition est dérogatoire au droit commun des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, pour lesquelles le seuil est fixé à 5 % (sauf exploitations agricoles).

Ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à défaut de plan arrêté. 

Si la présentation du projet de plan n’est pas possible dans le délai de trois mois, le ministère public, le mandataire unique ou le débiteur peut saisir le tribunal pour mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise, et ouvrir un redressement judiciaire ou liquidation judiciaire par application de l’article 13, IV D de la loi.

La période d’observation de trois mois ne s’impute pas sur la durée maximale de la période d’observation du redressement judiciaire. Ainsi, la soumission des créanciers aux conséquences de l’article L. 622-7 du code de commerce et à l’interdiction des paiements peut durer jusqu’à vingt et un mois, ce qui était déjà le cas avec l’application de l’ordonnance du 27 mars 2020.

Observation particulière :

Ne seront éligibles à cette nouvelle procédure que les débiteurs qui sont structurellement rentables mais qui doivent ponctuellement, en raison d’un endettement non maîtrisé lié à la crise sanitaire, traiter de manière collective et coercitive, cet endettement afin de permettre son apurement en corrélation avec leur capacité financière.

Un point de vigilance doit également être apporté sur les réponses des établissements bancaires en présence d’un prêt garanti par l’État (PGE) d’une durée de six ans, qui est garanti à 90 % par la Banque publique d’investissement (BPI).

Si l’établissement bancaire accepte un étalement de ce prêt sur dix ans, le maintien de cette garantie donnée par la BPI pourrait se poser en cas de résolution dudit plan. Et dans l’hypothèse où l’établissement bancaire refuse la durée proposée mais que le tribunal applique la durée de dix ans, se pose la question de la position de la BPI alors même que le garanti a refusé la proposition.

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