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Clause de majoration d’intérêt et procédures collectives : de subtiles distinctions

[05/03/2024]

Si la créance résultant d'une clause de majoration d'intérêt dont l'application résulte du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective ne peut être admise, en ce qu'elle aggrave les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires, tel n'est pas le cas de la clause qui sanctionne tout retard de paiement. Cass. com., 7 février 2024, n° 22-17.885

Faits et procédure.  Une banque, qui avait consenti à une société un prêt contenant une clause de majoration d'intérêt pour toute somme non payée à sa date d'exigibilité, a déclaré à la procédure collective de cette dernière une créance constituée du capital restant dû et des intérêts à échoir, en ce comprise la majoration. Cette créance a été contestée.

La cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 14 avril 2022, n° 21/05607) ayant admis la créance pour son montant déclaré, la débitrice et le mandataire judiciaire ont formé un pourvoi en cassation. Ils soutenaient que le montant dû au titre de la clause portant majoration des intérêts contractuels à la charge de l'emprunteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à son égard, ne pouvait être admis.

Décision. La Cour de cassation rappelle, en premier lieu, qu’il résulte de l'article L. 622-28, alinéa 1er, du Code de commerce que le jugement d'ouverture n'arrête pas le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que tous les intérêts de retard et majoration, résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, la déclaration de la créance portant sur les intérêts à échoir. En outre, selon l'article R. 622-23, 2° , cette déclaration doit indiquer les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, incluant le cas échéant les intérêts majorés.

Elle énonce ensuite que si la créance résultant d'une clause de majoration d'intérêt dont l'application résulte du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective ne peut être admise, en ce qu'elle aggrave les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires, tel n'est pas le cas de la clause qui sanctionne tout retard de paiement.

Dès lors, le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation a rendu, le même jour, trois autres arrêts énonçant la même solution (Cass. com., 7 février 2024, trois arrêts, n° 22-17.886, FS-D; n° 22-17.887, FS-D N° ; n° 22-17.888, FS-D )

Observations. On sait que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a élargi la règle de la mise à l'écart des clauses de résiliation de plein droit pour cause de survenance d'une procédure collective aux clauses qui diminuent les droits ou en aggravent les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en procédure collective (v. par ex., Cass. com.,14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B N°   ).

Les contrats de prêt bancaire contiennent tous des clauses pénales, c'est-à-dire des clauses mettant à la charge de l'emprunteur, qui manque à son engagement ou l'exécute avec retard, l'obligation de verser une somme d'argent dont le montant, fixé à l'avance, est indépendant du préjudice causé. Mais, comme il ressort d’une analyse de la jurisprudence précédente de la Cour de cassation relative aux conditions d'application des clauses d'indemnité de recouvrement  (v. P.-M. Le Corre, in Chron., ), ce que la jurisprudence sanctionne est l'automaticité de la sanction (l'application de la clause pénale mettant à la charge du débiteur un somme à payer), et cela indépendamment de toute faute du débiteur (Cass. com., 22 février 2017, n° 15-15.942, FS-P+B+I, préc.). En revanche, si le débiteur a été fautif dans l'exécution de ses obligations, la clause trouve à s’appliquer. 

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